Le Lundi est souvent un jour compliqué. La veille je suis rentré tard du Beaufortain après un petit détour pour déposer mon compère Fabrice à Jougne, tout au bout du Doubs. Je suis un peu dans le cirage, il est temps de ranger le barda après ce grand WE à Queige a l’occasion de la 11ème édition de l’UTB. Au fond de ma caisse de matos je tombe sur le profil de la course, que j’avais oublié de glisser dans mon sac … Pfff, quand je visualise la position du ravito de La Journée au 77ème kilomètre je me dis que c’est vraiment trop nul d’avoir bâché là, alors que le plus dur était fait et qu’il restait moins de 30 bornes et largement assez de temps pour passer sous l’arche dans les délais.
Après une soirée popotte sympa et détendue partagée avec Estelle Patou et Fabrice Milanesi au camping, nous n’avons pas tardé a nous glisser dans nos sacs de couchage. Ça fait une éternité que je n’avais pas passé une (toute petite) nuit sous la tente, juste un peu perturbé par le fait d’avoir oublié a la maison ma batterie d’appoint pour recharger téléphone et Garmin pendant la course. Mais le lendemain dans le Sas de départ je m’étais fait une raison pour le suivi Strava et j'étais parfaitement confiant pour aller chercher un second UTB après celui 2013, bouclé au forceps.
En réalité je n’ai jamais trouvé de bonnes sensations. Je suis pourtant parti tranquillement, en prenant le temps de profiter de la magie du départ, de la belle guirlande des frontales partant a l’assaut des montagnes, puis de capturer la beauté des paysages découverts depuis tout la haut, dés le levé du soleil. Au fil des lacets je voyais Fabrice s’éloigner progressivement et j’ai vite compris que les jambes n’étaient pas terribles. D'un autre coté je me disais que la journée allait être longue, qu'il fallait rester patient et que peut être … Mais j’ai ressenti un point de côté dès la première descente et il ne m’a plus quitté de la journée. Probablement le signal d'alarme d'un corps a qui j'ai trop demandé depuis le début d'année. Jamais je n’ai réussi à courir relâcher, en harmonie avec le décor sublime qui nous était offert, je n'ai pas trouvé le plaisir dans lequel je cherche aujourd’hui l’énergie pour avancer.
Après avoir passé le Col du Grand Fond, toit de l'UTB, j'ai assuré une descente correcte, puis une petite foulée sur la grande piste qui nous mène au Cormet de Roseland, pratiquement à mi course. C'est là que je me suis fais doublé par un Olivier Boyer euphorique, boosté par son fan club familial … J'imagine le bonheur de vivre ces instants, c'était un moment vraiment sympa. Olivier est reparti très rapidement, pendant que j'ai pris un long moment pour me repasser les pieds à la Nok,changer de chaussettes et de chaussures, profiter de la table de ravitaillement et remplir ma poche a eau et un flasque au taquet en prévision de la longue section de 17 km qui suivait …
J'ai été un peu étonné le lendemain d'entendre plusieurs top 10 se plaindre du manque d'eau. Nous connaissions tous l'emplacement des ravitos et points d'eau, si le règlement n'impose qu'un minimum de 0,6l, rien n’empêche d'en mettre un peu plus dans ses réservoirs. La semi autonomie est une composante de trail, le poireau moyen sait parfaitement gérer ça. Il n'y a aucune raison qu'un élite qui met la moitié moins de temps a courir la distance n'en soit pas capable.
Pour ce qui me concerne 1,7 litres pour rejoindre le Hameau de la Gittaz n'était pas de trop. Si je n'ai pas manqué d'eau j'ai bien senti là que j'allais être juste question essence … J'avais déjà l'impression d'être épuisé et il aurait probablement été plus sage de bâcher là, j'aurais eu moins de regrets ensuite. Mais je me suis dit que le plus dur était fait et qu'avec la nuit de meilleures sensations allait peut être revenir …
Il n'en a rien été, je me suis traîné lamentablement dans la longue montée suivante, doublé sans cesse sans pouvoir accrocher personne, sans trouver les ressources mentales pour prendre le relais de cet énorme coup de pompe. Dans la tête j'avais lâché et la liaison avec le ravito de La Journée m'a semblé interminable. Quand je suis arrivé la responsable de poste était en liaison téléphonique avec le PC et indiquait qu'il restait une place dans la navette … je me suis instantanément porté volontaire, soulagé sur le coup de mettre un terme a ce chemin de croix, convaincu que j'allais m'endormir dans la minute.