Débute alors le troisième et dernier épisode. La nuit est maintenant tombée, fini le spectacle visuel, d’autres sensations spécifiques à la course nocturne apparaissent. Il s’agit maintenant de mobiliser les dernières ressources pour rallier l’arrivée au mieux.
Le vent souffle fort, le chapiteau du ravito est vraiment bienvenu. Je repasse les manchettes, le coupe vent, le buff …. Même le bol de bouillon n’arrive pas à me réchauffer. L’autre fille n’est pas là et Camilla arrive, j’ai du perdre du temps. Je refais les niveaux, j’enfile les gants, allume la frontale et j’attaque la descente en grelotant.
Quelques kilomètres plus loin, j’ai trop chaud, il me faudra débâcher. Cette descente est très longue, un peu scabreuse au début. Ma Led Lenser plein phare est un sacré atout. Comme les cuisses assurent encore, je ramasse pas mal, dont une fille sur le bas (Diane qui finira 1ère V2).
Je sais que la dernière montée est terrible, je ne m’attarde donc pas au ravito de Lourtier pour profiter des bonnes sensations du moment. Trois minutes peut être : un bol de soupe, un bout de fromage, le plein du camel et c’est reparti.
A la sortie du village, on prend à gauche et on est tout de suite en action, dans cette montée infernale, avec des passages de folie …. Il faut chercher profond pour avancer, doucement, très doucement. Mais avancer, toujours avancer, ne pas abdiquer face à cette rude montagne.
Au détour d’un lacet je prends une frontale dans la tronche … Ben ça alors, c’est l’autre fille, Ute, qui est en train de bricoler son matos. Je la laisse repartir devant …. Avec ses bâtons, elle monte bien régulièrement. Je suis tant bien que mal, en poussant sur les cuisses. On est en forêt, et on ne voit pas grand-chose, à part la pente.
Puis on débouche enfin dans une prairie, on aperçoit enfin des frontales et ont devine la lueur du point de contrôle tout en haut. On double quelques concurrents arrêtés, assis, allongés, les yeux hagards … On est en plein dans le mythique.
Un couple complètement planté au milieu du raidard, probablement des concurrents de la petite, ne s’écarte pas …. Je mets un coup de gaz pour déboiter à l’arrache dans l’herbe et je poursuis à l’énergie. Ute décroche à ce moment.
L’approche du contrôle est moins pentu, on navigue sur un sentier étroit dans les prairies, avec quelques traversées humides. Je renonce à courir, c’est trop glissant. Une frontale s’écarte devant moi, en passant je peux lire son prénom sur le dossard : Jeannette.
J’arrive enfin à La Chaux, le dernier contrôle. Les bénévoles ont toujours un petit mot sympa. Sous la tente il y a pas mal de monde, visiblement bien entamé. Ute arrive et repars la première … elle vient de doubler Jeannette, et doit sentir que le podium est proche. Je trouve ça très beau, cette belle bagarre sportive entre filles ….
Jeannette suit de prêt, mais elle est visiblement blessée. Elle speak english et je ne comprends pas tout. Un bénévole lui balance un coup de bombe derrière la cuisse et la miss repars courageusement en boitillant.
Pendant ce temps je suis occupé à changer les piles de la frontale qui donne quelques signes de faiblesse. Pas question de prendre de risque dans la dernière descente, avec le phare au max c’est quand même bien mieux. On nous annonce 7 bornes jusqu’à l’arrivée …. Echaudé par la panne sèche du Col de Mile, je remplis quand même le camel.
J’avale enfin mon bol de soupe et repars en petite foulée dans le faux plat d’approche vers la descente finale. Je reviens rapidement sur les deux filles qui me précédent et j’attaque la descente bon train. Le début est très agréable, en lacets, je me régale … la suite se corse un peu, plus de pente, beaucoup de racines, ça glisse. Je me retrouve sur les fesses à plusieurs reprises.
Les lumières de la vallée nous appellent, nous aspirent, mais on a bien du mal à approcher. On débouche enfin sur un grand chemin, parfaitement balisé, qui repars en montée sur la droite …. J’ai eu un méchant doute, pensant un instant être reparti sur le début du parcours (n’importe quoi, quand je regarde le tracé après coup !!!). Et puis non, on passe enfin la butte et Verbier est tout de suite là, à portée de foulées ….
Alors j’envoie tout ce qui reste, passe comme un bourrin au milieu de quelques grappes d’éclopés, ramasse un ultime trailer à l’entrée du village et dévale la rue sous les applaudissements de quelques courageux spectateurs pour passer enfin sous l’arche de cette course vraiment magnifique. Heureux.