J'étais venu pour la beauté des paysages dont je connaissais les deux tiers, mais je veux bien avouer ici qu'ils ne me gaveront jamais. Je crois que Pascal, notre gentil organisateur, a éclusé le stock des possibles du Dreieckland en un seul tour de Pentecôte.
Il est impossible de raconter tout. Il reste des images : Pascal en mécanicien virtuose qui reprend un à un les vélos qui trainent la patte ; l'alter Pascal qui en mécanicien du langage s'implique à aérer les formules convenues ; Sylviane qui passe d'un noir scepticisme au bonheur absolu d'être là, sa météo interne étant, je pense, de type tropical ; les merveilleux sourires et des rires aussi ; les encouragements ; les deux ou trois anges gardiens en fin de groupe ou la patience des plus costaux ; l'incapacité des suisses allemands de parler français et la volonté farouche des suisses romans d'articuler le moindre vocable germanique ; la très bonne literie du centre d'accueil franciscain ; la veste sèche de Jean-Luc puis celle encore de Christian quand à Wieslet je crevais de froid.
J'ai naturellement du mal avec ce que Frédéric Nietzsche appelle le troupeau humain. Faire corps, toute incorporation m'oblige à quelques violences. J'apprend à ma nature indocile de voir au-delà de la contrainte se briser la glace des idées toutes faites. La fatigue et le plaisir d'être ensemble à la fois, offre une perspective bien humaine, en ombre et en lumière. Nous avons à y apprendre quelque chose sur nous-même et sur toute société en mouvement dont le peloton cycliste peut servir de métaphore.
Pascal partageait avec nous un tout petit bout de l'éprouvant Tortour. Personne n'est obligé de participer à ce programme absolument masochiste, heureusement, parce qu'il n'y avait pas que la Oltingerstrasse.
Je te remercie, Pascal, pour ce numéro de chef d'orchestre. Un grand travail d'attention à chacun et des jours de préparation, avec ton enthousiasme et seulement ça. Merci Vanessa, merci Christian.
Je ne devrais peut être pas le dire ici, mais à lire Claude Lévy Strauss sur les société Namikwara du Brésil, le chef est celui qui dirige les pas des habitants de son village, il s'occupe de tout, il est responsable de tout, cependant on lui octroie une faveur : il est le seul à avoir plusieurs femmes. Bon, faut pas rêver, je ne sais pas ce que tu en ferais, tu chevauches ton vélo avec tellement d'amour.
Et puis merci à tous.