Paradoxalement, dans un final sur du long, ce sont les sections faciles qui sont le plus difficiles à gérer. Lorsque c’est pentu on peut toujours se dire que tout le monde va marcher, et ainsi s’autoriser à ralentir. Lorsque c’est roulant il faut chercher les ressources mentales pour courir sans fléchir, et sans retourner … Le top du top étant de faire croire qu'on court “facile”, histoire d'enfumer la concurrence éventuelle ...
Bref nous sommes aux alentours du kilomètre 80 et je maugrée après l’abruti qui a retourné la flèche sur ma gauche. Je retrouve heureusement rapidement la rubalise et le balisage orange … Selon mes estimations je dois arriver avant 16h30, il doit me rester 15 minutes de course, je suis un brin euphorique, fier de ma perf …
Bientôt 17h, je ne suis pas arrivé mais le parcours est super sympa … Ils ont du rallongés un peu pour nous faire une surprise. Il n’y a personne ni devant ni derrière, mais je suis sur un sentier parfaitement balisé. Il n’y a aucune raison de douter, il ne faut surtout pas douter … courir, toujours courir. Je fais le tour d’un joli petit lac sur des passerelles en bois, puis un single souple. Purée c’est beau, vraiment sympa ce nouveau final …
17h30, tiens une station de fond, un tremplin, le Lispach, ça me dit quelque chose … quand même, ils auraient pu mettre un point d’eau supplémentaire, je suis carrément a sec. Bifurcation à gauche, on passe dans un tube et on attaque une nouvelle grimpée … probablement qu’ils nous ramènent vers Grouvelin, pour terminer "comme d’habitude " …
18h … ce sentier est vraiment difficile, plein de caillasse, des rochers acérés, sombre, interminable. Bon là, c’est gonflé, je trouve que c’est trop. Faudrait penser à arriver … Ceux qui sont entamés vont en baver !!! Ouf on sort enfin de ce traquenard, nous voici sur les chaumes, une cabane sur la droite et une bande de jeune imbibés qui festoient. Quelques plaisanteries lourdes qui n’atteignent pas mon cerveau et je poursuis sur une jolie trace dans les herbes hautes. Ouf ça descend, c’est sûr on va arriver sur le Lac par un endroit inédit. Ah ben, encore une relance à gauche … bizarre, mais qu’est ce qu’il est bon ce single. De beaux lacets et …. génial, une source. Trop bien. L'eau est fraiche, je bois goulument, c'est bon. Je rempli un bidon à moitié, ça suffira bien pour les dix minutes qu’il me reste.
18h30 … tiens, une espèce de pont en forme d'échelle, avec des barreaux disjoints. Purée, faut faire gaffe, on aurait vite fait de se mettre en travers sur ce truc. Puis on débouche sur un grand chemin, avec des maisons en contre bas. Mais pas de balisage … Le lac doit être en bas, donc j’essaie à droite. Y a une route, mais pas de lac et pas de rubalise. Bon, j’essaie dans l’autre sens alors … Je remonte, un coup d’œil sur la gauche et toujours personne sur le single. C’est bon, personne ne m’a rattrapé. On continue … Croisement suivant toujours rien. Et là que je me dis "y a un truc" … demi tour, je refonce vers les maisons, interpelle un papy qui est en train de passer sa tondeuse :
- Z’avez vu des coureurs M’sieur ???
- Non, pas de coureurs
- C’est par où Gérardmer …
- Gérardmer, ben c’est de l’autre coté de la montagne …
Glups, le doute n’est plus permis, je suis dans la mouise … Là on s’en fout du classement, il est juste question de rentrer à la maison avant la nuit. Je reprends le grand chemin qui monte, au pif, pour passer de l’autre coté de la montagne, comme a dit le monsieur. Et je me sens tout con de ne pas avoir de téléphone pour prévenir l’organisation, Danièle qui doit se faire un sang d’encre, et Snoppy qui se faisait une joie de me retrouver à l’arrivée.
19h … Un grand carrefour, un panneau indique Gérardmer à 6h par le GR5 … Glups, là je suis mal. Heureusement j’ai bien la frontale et la couverture de survie dans la poche. Et ouf … une nouvelle source et cette fois je remplis les 2 bidons au taquet. C’est relativement plat et je repars en trottinant. Et là, je me retrouve dans un coin qui me dit quelque chose. C’est la cabane des imbibés et je retrouve le balisage.
- C’est bien par là Gérardmer ???
- P’tete ben qu’oui …
Génial, je me remets sur la trace et allons y. Rétrospectivement, je me dis aujourd’hui que j’avais les neurones bien attaqués … C’est ainsi que quelques minutes plus tard je me retrouve au même carrefour sans balisage. Là je suis rentré dans une maison pour demander ou j’étais …
- Vous êtes à la Bresse mon brave Monsieur, juste sous la station de ski ....